La Quête d'Ewilan
- Kassandra & Léa
- 28 nov. 2021
- 6 min de lecture
La Quête d'Ewilan

Infos pratiques
Auteur : Pierre Bottero
Maison d’édition : Rageot
Année de publication : 2003
Prix : 8.20€ (Poche)
Résumé
La vie de Camille, adolescente surdouée, bascule quand elle pénètre par accident dans l'univers de Gwendalavir avec son ami Salim. Là, des créatures menaçantes, les Ts'liches, la reconnaissent sous le nom d'Ewilan et tentent de la tuer. Originaire de ce monde, elle est l'héritière d'un don prodigieux, le Dessin, qui peut s'avérer une arme décisive dans la lutte de son peuple pour reconquérir pouvoir, liberté et dignité. Épaulée par le maître d'armes de l'empereur et un vieil érudit, Camille parviendra-t-elle à maîtriser son pouvoir ?
Avis
Alerte Unpopuliar Opinion ! Je vais certainement m’attirer les foudres des fans de cette saga, mais tant pis ! Malheureusement, je n’ai pas été séduite par le premier tome de ce cycle à succès. J’explique cela par le fait que, selon moi, ce roman fantasy ne regorge pas d’originalité, et c’est ce que je vais tenter de démontrer donc s’il vous plaît ne me jetez pas tout de suite au bûcher !
Pour commencer, la répartition des personnages se fait de manière manichéenne ce qui est assez typique en littérature jeunesse. On remarque d’ailleurs que les méchants sont d’autant plus diabolisés qu’ils sont des créatures géantes possédant quelques points communs avec les humains, mais qui sont surtout décrites comme un mélange entre un lézard et une mante religieuse. En somme, ils sont profondément hideux, effrayants, ainsi que menaçants et sans pitié. A aucun moment, leur nature et leurs motivations ne sont remises en question : les Ts’liches sont mauvais. Au contraire, la jeune fille est idéalisée : elle est, en effet, particulièrement intelligente (point sur lequel on appuie à plusieurs reprises), mais aussi belle et singulière avec ses yeux violets. Le regard de Salim participe activement à l’idéalisation de Camille qu’il admire. Elle est aussi présentée comme pourvue de plusieurs qualités telles que le courage et l’honnêteté ce qui la valorise. Camille vit dans ce tome une quête identitaire avec un passage de l’enfance à l’adolescence. Cela s’exprime de différentes manières. En ce qui concerne la maturité, Camille en fait preuve au moment de quitter Gwendalavir, où elle a pourtant envie de rester. On peut aussi parler de la perte de son innocence lorsqu’elle découvre ses pouvoirs et cet autre monde. Elle découvre sa véritable identité et en accepte les lourdes charges. Il y a aussi à noter une certaine libération vis-à-vis de ses parents lorsqu’elle se rebelle en faisant le mur, en enfreignant les règles… Ce gain de maturité passe également, d’une certaine manière, par l’évolution de sa relation avec Salim. Pour finir, son évolution la place sur le chemin pour devenir une adulte, mais pas n’importe quelle sorte d’adultes. En effet, on remarque deux types de figures de maturité, d’adultes dans ce roman. D’un côté, on trouve les adultes décevants et d’un autre côté, il y a Edwin Til’Illan qui les sauve et les aide s’illustrant alors comme un protecteur ainsi que Duom Nil’ Erg le vieil analyste que l’on perçoit comme un mentor pour l’héroïne. Finalement, en opposition aux parents adoptifs de la jeune fille, on peut placer les parents biologiques,qui, bien que pour l’instant absents de l’histoire, apparaissent comme des héros, des modèles.
Les personnages correspondent donc à une représentation et à une répartition typique du roman de fantasy jeunesse, mais d’autres éléments se révèlent prévisibles, comme c’est le cas de certaines structures. Pour commencer, on peut parler de la structure du conte selon Greimas que l’on retrouve ici. Dans les rôles de la première paire, on retrouve Camille/Ewilan dans le rôle de l’héroïne avec pour objet de quête d’aider le peuple de Gwendalavir à libérer les prisonniers ainsi qu’à se libérer des ennemis qui bloquent leur accès à l’Imagination. La seconde paire se compose des adjuvants que sont Salim, mais aussi les alliés rencontrés à Gwendalavir, et l’opposant qui est le peuple des Ts’liches. Enfin, la dernière paire est moins évidente mais bien présente. Le rôle du mandateur est rempli par Elea, la sentinelle prisonnière qui a fait venir Camille à Gwendalavir et lui demande de retrouver son frère pour tous les sauver, tandis que le juridicateur est un peu plus flou. En effet, c’est tout un peuple à qui profiterait la victoire de Camille. On retrouve également d’autres structures dont une qui est répétitive : une situation initiale d’équilibre remise en cause par une mise en danger qui s’achève et mène à un retour à l’ordre. Cette structure s’applique de nombreuses fois par la suite ce qui permet de répartir les micro-événements, qui ont généralement lieu lors de la situation d’équilibre et du moment de retour à l’ordre, et des macro-événements qui sont des moments représentant un enjeu majeur dans l’intrigue. Dans le premier cas, il y a l’école, le quotidien chez les parents de Camille, par exemple, tandis que dans le second cas, on peut noter certaines rencontres avec d’autres personnages, la totale libération des pouvoirs de Camille...
Gwendalavir est un monde parallèle différent du nôtre qui pourtant se calque en partie dessus. Cet univers est construit sur une base d’éléments appartenant à la vision fantasmée que nous avons du Moyen-âge ce qui permet de s’y projeter puisque les nombreux clichés existants constituent un ensemble de connaissances communes, une référence partagée. Le Moyen-âge possède une identité spatiale dans ce roman plus que temporelle. L’auteur a cherché à susciter un dépaysement plus qu’à respecter une véracité et une justesse historique, il fait le choix du médiévalisme en tant que style (ce qui est d’ailleurs sous-entendu au chapitre 14 : « Camille, qui était férue d’histoire, savait que jamais aucune rue du Moyen-Âge n’avait été aussi propre »). On retrouve donc un château fort entouré de murailles protégées par des soldats ainsi qu’une foire et des tournois qui sont évoqués. La forêt fort présente elle aussi est, comme souvent, le lieu de l’aventure où auront lieu plusieurs attaques, mais pas seulement. Le fait que l’héroïne apparaisse dans la forêt au début de l’histoire peut être un clin d’œil à la littérature médiévale où la forêt est un topos, un lieu de passage entre le monde réel et un monde merveilleux. Rappelons-le, Gwendalavir est un monde merveilleux où l’on trouve entre autres des créatures et des animaux fantastiques. Ensuite, on peut noter que l’univers moyenâgeux créé repose sur d’autres éléments. Il y a par exemple le fait que la population soit socialement hiérarchisée avec les seigneurs, les chevaliers, les soldats, les commerçants, les paysans, … Enfin, afin de parfaire cet univers, P. Bottero renforce l’aspect pittoresque à travers des petits détails comme la monnaie inventée, les tenues des habitants, ou bien la nourriture, mais surtout à travers le langage. On retrouve donc des termes tels que « chevalier » qui n’a pas d’équivalent à notre époque, mais aussi des termes dont il a volontairement choisi une forme désuète, comme « occire ». On notera d’ailleurs, que l’on retrouve cela dès le titre avec le nom « Quête » ainsi que le prénom « Ewilan » qui est un toponyme qui sonne médiéval.
La Quête d’Ewilan s’inscrit dans une tradition littéraire que le cycle a aussi consolidé, car de nombreuses histoires avec des points similaires ont vu le jour par la suite. Pour commencer, on retrouve la figure de l’enfant orphelin en tant que héros qui naît au XIXe siècle et est toujours présent aujourd’hui. Cet enfant vit souvent une vie difficile. Dans le cas de Camille, elle vit dans une famille aisée, mais elle grandit avec des parents qui ne l’aiment pas. On peut aisément établir un lien de comparaison avec Harry Potter élevé par son oncle et sa tante qui le méprisent. Comme Harry, Camille va découvrir la vérité sur sa famille, sur ses origines, sur ses pouvoirs et le monde auquel elle appartient réellement. En effet, Camille apprend qu’elle est Ewilan, qu’elle a un frère, qu’elle est noble et que ses parents biologiques qui l’ont sauvée sont peut-être encore en vie. Dans les deux cas, les héros sont des personnages exceptionnels, des élus, qui doivent sauver leur monde. Toutes les révélations advenues, elle peut devenir celle qu’elle est vraiment, celle que Gwendalavir attendait réellement. Elle accepte cette quête qui est en réalité la sienne en y retournant avec Salim pour accomplir son destin tout comme Harry affronte Voldemort, car cela était le sien.
A mes yeux le seul élément vraiment original est sans conteste l’exploitation que fait P. Bottero du pouvoir de l’Imagination. Il se démarque avec cette idée unique. A côté de ça, La Quête d’Ewilan cumule beaucoup de stéréotypes qui rendent le récit prévisible et accessible pour qui connaît les codes de ce genre qu’est la fantasy néo-médiévale. En somme, la seule réelle originalité de l’œuvre repose sur la magie de l’univers qu’est l’Imagination. Cela innove et change des pouvoirs magiques basiques. Je me suis donc ennuyée au cours de ma lecture et n’ai pas réussi à accrocher ni à l’histoire, ni à l’univers, ni aux personnages. Une déception donc car au vu des avis je m’attendais à beaucoup mieux. Dans un genre un peu similaire, je trouve que Gardiens des Cités Perdues de Shannon Messenger est une saga possédant beaucoup plus d’arguments justifiant son succès.
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