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    Kassandra & Léa
  • 15 nov. 2020

Lulu, il était une fois une princesse


Informations pratiques :

Auteur : Lulu Inthesky

Maison d’édition : Jungle !

Année de publication : 2013


Lulu, il était une fois une princesse est une bande-dessinée humoristique et parodique du conte de fées réalisée par Laetitia Lamblain sous le pseudonyme de Lulu InTheSky et publiée en 2013. On retrouve d'entrée de jeu une référence au conte de fées avec la célèbre formule « Il était une fois » dans le titre. Des références sont également présentes dès la couverture avec les chaussures de verre de Cendrillon, les longs cheveux blonds qui rappellent ceux de Raiponce et la présence du crapaud qui renvoie à plusieurs contes où une princesse doit embrasser un crapaud pour qu'il se transforme en prince. Toutefois, dès la couverture, la couleur est annoncée puisque le crapaud n'a pas vraiment l'attitude d'un prince et son langage laisse à désirer. Ainsi, le ton est donné. Les stéréotypes de la princesse parfaite made in Disney vont en voir de toutes les couleurs ! Si vous êtes fan de Disney vous aimerez certainement cette BD très sympa où les références et les clins d'œil sont nombreux. Je trouve que la BD est très intéressante c’est pourquoi plutôt que vous proposer une simple chronique avec mon avis je vais l’analyser et la décortiquer pour vous dans le but de notamment démontrer que des BD aux allures plutôt simples et “juste sympa”, “feel good” peuvent être très riches en réalité.


Quand le conte de fées rencontre la réalité : analyse de la BD


Lulu, une princesse moderne et surtout réelle


On découvre effectivement dans cette BD les aventures d'une jeune femme moderne et parisienne à la recherche du prince charmant tel qu'on nous le vend dans les contes de fées. Avec un style très girly, l'auteure reprend les stéréotypes du conte de fées. Toutefois, ces stéréotypes sont tournés en ridicule car Lulu n'est pas une princesse parfaite et elle ne vit pas dans un conte de fées, mais dans la réalité ce qui change tout et crée des situations cocasses.


Un style « girly » pour une princesse qui veut voir la vie en rose


Ce qui est nommé le « style girly » s'illustre avec la présence d'héroïnes féminines et clichés dont les centres d'intérêt sont principalement les hommes, la mode, etc... Elles doivent correspondre à une image ancrée dans la société. C'est également un style à la gloire du rose et autres couleurs vives et des paillettes. Associé à la BD, cela a donné ce qui est généralement nommé la « BD girly ». Toutefois, des auteures de BD soit disant « girly » se sont exprimées sur le sujet : « BD "girly" "a une connotation péjorative, ça veut dire kawaii (mignonne en japonais), un peu niaise » selon Nine Antico tandis que Pénélope Bagieu exprime une interrogation sur la nature de ce genre de BD : « La BD girly, qu’est-ce que c’est, sinon un terme ultra-condescendant pour parler de l’autobiographie féminine? ». Si le terme est selon elles négatif, Lulu, il était une fois une princesse, s'illustre clairement dans ce style puisqu'elle cumule chacun des éléments énoncés pour le définir. On peut imaginer que le choix de ce style permet de parfaire la parodie du conte de fées.


Princesse recherche prince


Lulu chante à tue-tête dès les premières planches de la BD qu'elle cherche le prince charmant et le confirme à son lecteur quelques pages plus loin. Probablement bercée par les contes de fées de Disney, elle emménage sur Paris pour trouver son « Prince charming » qui doit évidemment être : « à la fois viril et sensible, beau mais pas trop, jeune et aussi mature, charmant mais pas charmeur... », en somme l'homme parfait qui n'existe pas, tout comme Lulu n'est pas parfaite. Son prince, Lulu espère le croiser lorsqu'elle se promène au parc Monceau qui représente un cadre romantique et idyllique pour cela selon les clichés, mais elle déchante vite et passe d'un regard rêveur, idéaliste et naïf à un point de vue plus pessimiste mais plus réaliste. La désillusion paraît totale du point de vue du lecteur lorsqu'elle rencontre non pas un prince mais un crapaud qui parle. Cela peut faire penser aux contes de fées avec la malédiction que seul le baiser d'une princesse peut rompre, mais Alberto n'a rien d'un prince et ce qui apparaît comme une scène de coup de foudre avec le cœur rose autour d'eux et les oiseaux semblables à ceux que l'on retrouve chez Disney, se révèle être une scène ridicule. En tant que princesse moderne Lulu est condamnée à chercher son prince sur un site de rencontre ce qui rappelle la vraie vie. Tout comme dans la vraie vie, Lulu va vite déchanter en se confrontant aux problèmes rencontrés par les femmes qui les utilisent. Le premier message qu'elle reçoit vient d'un homme un peu cavalier et peu sérieux multipliant les sous-entendus sexuels en reprenant des titres de Disneys en les détournant ainsi que de photos très explicites. Le premier homme qu'elle rencontre, surnommé avec justesse « Le Plou(c)tocrate » est un goujat. Le deuxième, ressemblant à Quasimodo avec un T-shirt Stitch, ne correspond pas du tout à sa photo de profil en plus d'employer des techniques de drague pas très fines. Les suivants ne seront pas mieux. Princesse ou pas, Lulu est logée à la même enseigne que toutes les femmes.


Une princesse gracieuse et délicate en toutes circonstances... ou pas !


La princesse idéale est une belle femme féminine, élégante... Si Lulu tente de coller à ce cliché en s'habillant et se coiffant bien et en cherchant à parler de manière distinguée en toute circonstance, elle perd parfois la face. En effet, son sang ne fait parfois qu'un tour lors d'échanges avec certaines personnes, ses voisins au début de la BD et des jeunes hommes l'accostant dans la rue quelques pages plus loin par exemple, et elle en perd ses bonnes manières. Lulu se met alors à déverser toute une flopée d'insultes imagées et originales qui n'ont rien à faire dans la bouche d'une princesse. D'un point de vue graphique, ces déferlements de colère sont dessinés en noir et blanc, exception faite du visage où l'on retrouve des couleurs chaudes pour montrer sa colère, avec un tracé plus grossier la montrant défigurée, disproportionnée.... Elle ne paraît pas non plus très distinguée lorsqu'elle s'entraîne à embrasser avec une cuillère ou qu'on la voit se goinfrer avec différentes sortes de nourritures peu raffinées avec des manières qui ne le sont pas plus.


Princesse de conte de fées ou fée du logis


Cuisinière, ménagère et mère émérite, la princesse parfaite s'illustre comme une femme multitâche. Toutefois, Lulu n'est pas encore au point pour en être une. Tout d'abord, la cuisine. Catastrophe des fourneaux, avec elle c'est le cauchemar en cuisine assuré puisque si elle « cuisine avec Amour », le résultat n'est pas concluant et elle rate même des pâtes. Pour le ménage, Lulu annonce, à la leçon 6 de son guide du « savoir-vivre de la princesse parisienne » , vouloir « Être aussi bonne ménagère que Cendrillon ». De ce côté-là, il y a encore des progrès à faire car la bataille avec l'aspirateur, sa chevelure en train de se faire aspirer par la bête qu'elle monte, empoigne et mord, n'est normalement pas au programme. Finalement, la formule finale de tout bon conte de fées est en péril car Lulu n'aura cesse de déclarer qu'« [elle] hai[t] les mômes » voire qu'« [elle est] allergique aux gosses » menant ainsi dès le leçon 1 de son guide à une révision de la formule : « Vivre heureuse et avoir beaucoup d'enfants ». Ainsi, pour la princesse parfaite il faudra passer son chemin.



Les contes de fées de Disney tournés en dérision par de nombreuses références


On retrouve effectivement énormément de références aux films Disney qui ne servent qu'à se moquer un peu plus de ces derniers.


Chez Disney on pousse la chansonnette


Comme ses idoles, la princesse Lulu multiplie les chansons et pas n'importe lesquelles : les chansons issues de l'univers Disney. Allant de Blanche-Neige (« Un jour mon prince viendra ») à La Petite Sirène (« Là-bas ») en passant par La Belle au Bois Dormant (« J'en ai rêvé ») ou bien encore Cendrillon (« Chante Doux Rossignol », « Tendre rêve »). Les chansons sont nombreuses et facilement reconnaissables. On retrouve une ambiance similaire à celle que l'on retrouve dans les Disneys avec notamment au début de l’œuvre des nuages et un ciel dans des tons roses ce que l'on peut associer au rêve notamment. Les chansons sont une marque de fabrique des films du célèbre studio d'animation américain et Lulu semble avoir intégré cela puisque la leçon 3 s'intitule « Chanter l'amour ». Cependant, cette fois aussi, la rencontre avec le réel et une princesse imparfaite change la donne. Lulu chante terriblement faux comme le montre la typographie qui fait des vagues, les mots qui se tordent, etc... ainsi que l'appendice de la bulle qui semble vibrer. Cela peut aussi être montré par un changement de police moins élégante et plus épaisse pour montrer que Lulu crie et que cela n'a plus rien de mélodieux comme le laisse aussi entendre son visage rouge et sa bouche grande ouverte. De plus, la dimension réelle de l’œuvre crée des ruptures avec ces moments où Lulu semble se perdre dans une certaine fiction. Dans le premier cas, ce sont les voisins qui viennent frapper à la porte énervés car elle les réveille à force de chanter à tue-tête en pleine nuit. La rupture est aussi graphique puisque l'on passe du jour avec des tons roses et oranges à la nuit dans des tons plutôt violet et bleu foncé. Dans le second, la rupture s'opère lorsque l'on réalise que contrairement à ce que l'on pensait, Lulu n'est pas dans la nature mais dans une boutique dont la vendeuse interrompt la jeune femme pour lui demander de quitter les lieux car elle chantait pour un oiseau empaillé. Le décalage rend le tout comique car il y a une exagération des stéréotypes qui les rend complètement risibles.


Une impression de déjà vue/entendue...


Les chansons ne sont pas les seules à être reprises par l'auteure, on retrouve des répliques voire des images marquantes des films. Pour les répliques on en retrouve une tirée de La Belle et la Bête dite à l'origine par Belle et qui est prononcé dans la BD par Alie : « Madame Gaston ? Non mais quelle idée ! ». Dans les deux cas on se révolte à l'évocation stupide d'un couple entre l'héroïne et Gaston, la brute avec peu de cervelle. La seconde réplique que l'on peut noter est dite par Lulu dans la même scénette et est empruntée à Jasmine qui s'indigne alors que l'on cherche à la marier sans lui demander son avis : « Je n'suis pas le premier prix d'une tombola ! ». Un autre élément permet de faire le lien avec Jasmine et il est graphique. En effet, Lulu porte une robe de la même couleur que les vêtements de Jasmine. Enfin, en ce qui concerne l'aspect visuel on va également retrouver une référence claire à La Petite Sirène qui renvoie au moment après le sauvetage du prince Eric où elle finit sa chanson sur le rocher, de par la posture qu'elle adopte, les grands yeux bleus brillants et la vague qui rencontre le rocher.


L'appel de la nature


La nature, et plus particulièrement les animaux, sont particulièrement liés aux princesses Disney. En effet, ces dernières sont souvent entourées d'animaux, surtout les princesses anciennes générations, notamment quand elles se mettent à chanter comme c'est le cas chez Blanche-Neige par exemple. Dans la BD on semble retrouver les oiseaux bleus de Blanche-Neige. On semble donc vouloir recréer ce lien. Toutefois, la parodie apparaît en partie grâce à des décalages comme lorsque Lulu chante au début de l’œuvre entourée de lapins et autres animaux vivant dans la forêt alors qu'elle habite au dernier étage d'un immeuble parisien. On peut aussi parler d'Alberto, le crapaud. Ce personnage grossier à l'humour vulgaire n'est envisagé comme un potentiel prince pour Lulu que lorsqu'elle le rencontre dans le parc. Par la suite, il s'illustre plutôt comme un acolyte. Les princesses sont souvent accompagnées par des animaux qui sont leurs amis : les souris pour Cendrillon, un caméléon pour Raiponce, un poisson pour Ariel... Alberto semble donc prendre ce rôle auprès de Lulu puisqu'il vit avec elle et intervient souvent pour créer un décalage.


Quand fiction et réalité fusionnent

La BD fait beaucoup de références à des personnages Disney que cela se fasse uniquement par l'évocation de noms comme c'est le cas pour Monsieur Gepetto et son fils qui renvoient à Pinocchio ainsi que le musicien Thomas O'maley qui évoque le chat des rues des Aristochats, ou bien en reprenant le physique de certaines personnages. C'est le cas des amies de la concierge de Lulu qui ressemblent respectivement à Aladdin, Jafar et le Sultan mais en femmes. La transposition aura tendance à amuser et surprendre le lecteur. La ressemblance est poussée encore plus loin car la première s'appelle Alie d'Ababoua et vit rue d'Ababoua ce qui fait penser à Aladdin qui se fait passer pour le prince Ali Ababoua. La deuxième se nomme Jafah, ce qui est quasiment identique à Jafar et elle vit rue du Vizir ce qui rappelle le poste occupé par ce dernier. Enfin, la dernière porte le nom de Sultanne ce qui renvoie au Sultan du film, dont on ignore le nom, et vit boulevard d'Agrabah qui est la ville où se déroule tout le film. Bien que très explicite, il ne s'agit que de références et de clins d’œil aux œuvres Disney, mais les personnages apparaissent vraiment aussi. On voit en effet apparaître Aladdin que Lulu tente de draguer jusqu'à ce que sa mère, Alie, intervienne pour lui rappeler qu'il est fiancé à Jasmine, la voisine. Plus loin, elle rencontre le prince Eric qui a bien envie d'aller danser avec Lulu, mais Ariel n'est pas loin et ne l'entend pas de cette oreille. Enfin, Tiana a rencontré Alberto qui semble refuser les avances de la princesse. Ainsi, les personnages de fictions envahissent la réalité de Lulu et la frontière entre la fiction des contes et la réalité est brisée.



L’analyse est terminée ! J’espère que cela vous aura intéressé ! N’hésitez pas à me dire si cela a été le cas ou non (je ne me vexerai pas rassurez-vous !) et dans ce dernier cas ce serait sympa de m’expliquer pourquoi afin de pouvoir faire mieux à l’avenir.


Quel est votre Disney préféré ? Et quel/quelle prince/princesse aimeriez vous rencontrer dans la vraie vie ?


Mon avis en un GIF (disney of course !) :


  • Photo du rédacteur: Kassandra & Léa
    Kassandra & Léa
  • 14 oct. 2020

Shadow


Informations pratiques :

Auteur : Laure Arbogast

Année de parution : 2012

Maison d’édition : Noir au blanc

Prix : 1.99€ (ebook)



Résumé


Alice rejoint sa cousine Chloé à Paris pour intégrer une école très sélect consacrée aux mathématiques. Elle y retrouve Hugo, son amour (secret) de lycée et s’y fait une petite bande d’amis. Studieuse, elle parvient à intégrer le groupe A, l’élite de l’école, dont fait partie son ennemi et rival : Léo. Ce jeune homme est aussi étrange qu'arrogant et hautain mais de la haine à l’amour il n’y a qu’un pas, qu’une note… Entre Hugo le chanteur et guitariste de musique punk et le mystérieux Léo, son homonyme à la carapace dur mais au cœur tendre, son cœur balance… Amour ou amitié, ce sera à elle de trancher !


Avis


On remercie avant tout l’auteure, Laure Arbogast, qui a eu la gentillesse de nous proposer de nous envoyer un de ses romans au choix. On a eu envie de découvrir son premier roman qui nous intriguait et dont on vous parle aujourd’hui.


Nous avons, pour la première fois, fait une Lecture Commune avec un debrief chaque jour sur ce que nous avions lu et nous avons beaucoup aimé l’expérience et nous le referons sans aucun doute. Cette LC nous a permis de constater que nous étions unanimes et avions les même remarques, positives ou négatives, à faire sur ce roman et notre avis final est très mitigé.


On a d’abord été gênées un peu par la longueur irrégulière des chapitres avec notamment un premier chapitre long, trop long. Le plus embêtant à été la forme elliptique du roman. On passe d’un moment à l’autre sans vraiment de transitions ce qui cause, selon nous, toute une série de problèmes.

Tout d’abord, tout va trop vite ! On ne connaît pas forcément la durée des ellipses ce qui peut nous perdre chronologiquement et surtout dans ses ellipses se passent probablement des événements qui, bien que anodins, sont en réalité essentiels pour construire un contexte, une relation solide entre les personnages, de l’attachement pour le lecteur… On perd trop de détails, de descriptions et d’informations qui permettraient de crédibiliser l’histoire. Sans cela, on a notamment des relations entre les personnages qui évoluent trop vite et semblent plus superficielles que sincères. En effet, on a une totale perte de crédibilité et certaines choses semblent tomber de nul part comme Alex qui déclare son amour à Alice au chapitre 2.

On a d’ailleurs noté beaucoup d’autres problèmes de crédibilité et de vraisemblance tout au long de l’histoire. Par exemple, il est dit qu’Alice n’a pu intégrer le groupe A que grâce à ses bons résultats en sport et en anglais mais tout le reste de l’histoire elle ne semble pas très douée en anglais puisqu’elle a notamment besoin que Léo lui traduise les paroles d’une chanson de Hugo. (D’ailleurs cette histoire de classe A détonne et semble étrange car on ne classe pas les élèves par niveau d’excellence. Cela nous a beaucoup fait penser au manga Spécial A de … ). Sinon, il y a encore le fait que le prof de math semble cautionner voire encourager la guéguerre futile d’Alice et Léo ou bien encore le fait qu’il se fasse soudoyer plus tard pour obtenir les résultats à l’avance ! C’est invraisemblable ! Tout comme le moment où Alice se venge de Léo en déclenchant les sprinklers (extincteurs automatiques à eau) des toilettes sans qu’il ne soit jamais question de la moindre sanction. On terminera avec le fait que l’arme dans le veston, lors de l’agression à la piscine, ne pèse visiblement rien puisque l’étudiant ne s’en aperçoit pas alors qu’une arme pèse facilement un kilo… Voici des exemples de toutes ces choses qui nous ont dérangées pendant notre lecture.

Ce n’est pas tout. On a noté pas mal de clichés et de raccourcis narratifs tels que le bout de verre sur lequel tombe Alice par le plus grand des hasard, le fait que Alice et Léo ait, quelle coïncidence, le même nom de famille (on comprend le choix de l’auteure à la fin mais on trouve que c’est un peu simple du coup… une autre exploitation de cette homonymie aurait pu être intéressante), ou bien encore, pas de bol, Alice qui oublie un moment important à cause de l’alcool… On comprend que ce genre de raccourcis sont pratiques pour les auteurs mais on a trouvé cela dommage.


Viennent ensuite les personnages… La moitié ne nous a pas séduites et on vous explique qui et pourquoi. Commençons par les personnages secondaires pour garder les principaux pour la fin. Alex et Clément sont presque des personnages anecdotiques dont on entend presque plus parler vers la fin. Célia est l’amie un peu fausse qui ne se réjouit pas de votre réussite si elle l'éclipse et aurait tendance à dire du mal dans votre dos tout en jugeant les autres un peu vite. Chloé est un peu plate, on a peu de détails sur sa personnalité et elle n’existe presque qu’à travers sa relation avec “Lapin”. D’ailleurs, elle paraît un peu superficielle au départ car sa relation avec Benjamin semble juste reposer sur le fait qu’elle le trouve beau.

Néanmoins, elle est heureusement plus réactive que sa cousine puisqu’une seule incohérence lui permet de comprendre que Benjamin n’est pas humain alors qu’Alice ne réagit pas et ne se questionne pas plus que ça malgré les indices qui se multiplient et les gros sous-entendus peu discrets qui parsèment le roman. On a eu quelques soucis avec l’héroïne (je ne l’ai pas aimé et elle m’a beaucoup énervée et agacée). Au-delà de son manque de réaction quant à la nature de Léo, elle multiplie les réaction irrationnelles et étranges : elle n’est pas particulièrement choquée par le fait que Léo ait une arme à feu, elle ne parlera jamais de l’agression de Léo par Lorenzo alors que n’importe qui l’aurait sûrement signalée, elle accepte que Lorenzo (qui est alors son prof) lui offre son costume d’Halloween et elle n’est pas bouleversée par le meurtre d’un étudiant par Lorenzo qui a pourtant lieu devant ses yeux et pas de soucis si l’affaire est étouffée, c’est JUSTE un meurtre ! Ce n’est pas tout ! Alice s’endort en 30 secondes et ne se pose pas de questions lorsqu’elle se retrouve dans la galerie des chimères de Notre-Dame comme si c’était normal et ouvert au public la nuit. Pire, elle paraît égoïste puisqu’elle ne réagit pas vraiment suite au coup de téléphone de Chloé qui semble assez paniquée et perturbée à cause de sa découverte, et ne change pas ses plans de voyage. Finalement, c’est une vraie girouette ! Ses sentiments ne semblent pas réellement sincères et forts puisque un coup elle aime Hugo, un coup elle aime Léo, un coup elle sort avec l’un puis couche avec l’autre peu de temps après… Les revirements de situations incessants font qu’elle n’a aucune crédibilité et qu’il est difficile de s’attacher et s’identifier à elle.

Heureusement, Léo est là ! C’est un personnage qui est certes méprisant au départ et donc assez détestable mais il a une véritable identité et ça c’est positif !Et puis on s’y attache comme ça ! D’autant plus que derrière sa carapace hautaine c’est un personnage loin d’être mauvais. Ce qui est dommage c’est que l’auteure lui a parfois attribué des réactions et des comportements qui ne lui ressemblent pas ou en tout cas ne correspondent pas à l’image que l’on en a (susceptibilité exagérée, déclaration en public, concert avec des ailes extravagantes,...).

Finalement, il reste Benjamin ! Lui aussi, on est très heureuses qu’il soit là parce qu’on l’a beaucoup aimé ! Son personnage est cohérent, drôle et très attachant ! Il est sans aucun doute notre personnage préféré pour ces raisons ! D’ailleurs, nous sommes d’accord sur le fait que selon nous la seule relation qui nous ait convaincues et touchées est celle de son amitié avec Léo ! On a beaucoup aimé leurs échanges, leur relation,... Les relations amoureuses étaient trop superficielles et parfois immatures pour leur âge et n’ont pas pu rivaliser avec cette belle amitié.


En ce qui concerne l’intrigue et le suspens autour de Léo, ce sont deux bons points de l’histoire ! En effet, tout au long du roman les diverses citations en épitaphes nous ont plu et le suspens était bon, on avait des doutes sur la nature de Léo, l’imaginant tantôt vampire, tantôt démon… Le fait qu’il soit une Ombre est original mais on aurait aimé plus d’informations, ça aurait mérité plus de développement parce que Léo a finalement les caractéristiques principales d’un vampire ce qui fait que l’on ne comprend pas vraiment la différence avec les Ombres. On suppose notamment que c’est cette nature particulière qui explique le texte “Ange ou démon elle devra choisir” de la couverture puisqu’ils boivent de l’ambroisie, boisson divine, mais il est aussi question d’ichor qui dans certaines fiction est le nom donné au sang des démons. Toutefois, cela n’est pas explicité ni expliqué donc nous ne pouvons que faire des suppositions. Il est dommage que l’auteure n’ait pas toujours exploité certains éléments au maximum ou ait été un peu expéditive, comme c’était le cas aussi avec l’étudiant lambda qui les attaque à la piscine et dont le traitement aurait pu être approfondi ou différent si l’étudiant n’avait pas été lambda. La manière dont tout cela se termine n’apporte rien à l’histoire.

Ensuite, on a bien aimé le revirement de situation concernant Lorenzo. Il reste un personnage assez désagréable dans l’ensemble mais il est très intéressant de découvrir qu’il n’est pas celui qu’il veut faire croire. On a apprécié découvrir un nouveau pan de ce personnage avec une explication de son acte qui n’avait en réalité pour but que d’offrir du temps à Léo en espérant le sauver. Bon point !

Enfin, on pense que la fin n’est pas optimale. Déjà, le dernier chapitre est un peu cliché, Léo ne se pose pas vraiment de questions sur sa guérison miraculeuse, il ne cherche pas à revoir Alice alors qu’il s’est toujours battu jusque-là… On a été un peu déçues. On regrette juste peut-être de ne pas en savoir plus sur ce qui arrive ensuite : qu’advient-il de la relation entre Léo et Alice ? Benjamin révélera-t-il la vérité à Chloé ? Finira-t-elle par l’accepter ? Que va-t-il se passer en ce qui concerne Hugo et Léo ? Un épilogue n’aurait pas été de trop.



Malgré notre avis très mitigé on a aimé certains points et on a gardé à l’esprit qu’il s’agit du premier roman de l’auteure. Un premier roman est généralement plus ou moins perfectible. C’est pourquoi nous pensons retenter l’expérience avec cette auteure mais avec une œuvre plus récente afin de pouvoir peut-être savourer l’expérience acquise par l’auteure.


On tient également à rappeler que notre avis n’engage que nous et que vous aimerez peut-être beaucoup cette histoire malgré ce qui nous a dérangé. Le meilleur avis sur un livre est celui que l’on se construit donc allez-y ! :)


Encore merci à Laure Arbogast ! C’est toujours un plaisir de découvrir de nouveaux auteurs !


Notre ressenti en 2 GIFS :


Nous pendant une bonne partie du roman à cause de Alice :


Puis nous, dès que ça concernait Léo, Benjamin ou encore mieux les deux !



 
 
 
  • Photo du rédacteur: Kassandra & Léa
    Kassandra & Léa
  • 27 sept. 2020

Dernière mise à jour : 28 sept. 2020

King Kong Théorie







Informations pratiques


Auteur : Virginie Despentes

Année de publication : 2006

Maison d’édition : Grasset

Prix : 15.20€ (6.10€ dans la collection Livre de Poche)











Le 28 Septembre c’est la journée mondiale du droit à l’avortement. A l’occasion de cette journée qui vient nous rappeler le combat mené pour ce droit fondamental qui est celui de disposer de son corps on a eu envie de vous présenter cet ouvrage profondément féministe qui vient traiter d’autres sujets importants qui touche la femme (mais aussi l’homme !).




Avant ça, on vous fait un petit point sur l’Histoire de la lutte pour le droit à l’avortement.


L’Histoire de la lutte pour le droit à l’avortement débute lors de la parution d’un manifeste le 5 avril 1971 dans le journal “ Le nouvel Observateur ” . Le Manifeste des 343, une pétition dans laquelle 343 femmes connues et inconnues attestent s’être faites avorter et s’exposent ainsi à des poursuites judiciaires puisqu’il s’agissait d’un acte considéré comme criminel en France à cette époque. Le but de ce coup d’éclat médiatique était de dénoncer l’hypocrisie qui régnait en France puisque de nombreuses femmes devaient se rendre à l’étranger pour pouvoir se faire avorter ou faire réaliser cela par des “ faiseuses d’anges ” dans la plus grande illégalité et le plus grand danger. Ces pratiques se savaient mais tout le monde cherchait à se cacher ou fermait les yeux puisque cela était considéré comme un crime. Rebaptisé “ Les 343 salopes ” par le célèbre dessinateur Cabu en Une de Charlie Hebdo le 12 avril 1971, cette caricature choc sera fièrement revendiqué par un grand nombre des femmes signataires.

L’année d’après, le célèbre procès de Bobigny va faire trembler la France en ramenant sur le devant de la scène le problème de cette loi contre l’avortement. Les faits si vous ne les connaissaient pas : une adolescente de 16 ans, Marie-Claire Chevalier, se retrouve sur le banc des accusés avec sa mère et deux femmes suspectées d’avoir apporté leur aide lors de l’opération clandestine d’avortement sur la jeune femme à la suite d’un viol perpétré par un camarade de classe. L’avocate vous la connaissez peut-être (si ce n’est pas le cas on vous invite à aller vous renseigner un peu sur elle, sa vie mais surtout ses combats), il s’agit de la très célèbre avocate et militante féministe Gisèle Halimi. Lors de ce procès la jeune adolescente se voit soutenue et défendue par le mouvement féministe “ choisir ” créé 10 ans plus tôt dans le but de dépénaliser l’avortement. Finalement Marie-Claire Chevalier est mise hors de cause et sa mère, elle, est condamnée à un amende de 500 francs avec sursis. A la suite du manifeste et du procès, un nouveau manifeste est publié en 73 celui des 331 médecins qui s’engagent dans le combat en avouant avoir pratiqué des opérations d’avortement alors que cet acte était bel et bien encore interdit.

Finalement, c’est le 17 janvier 1975 que Simone Veil obtient gain de cause à la tribune de l’Assemblée Nationale après de longues heures à défendre ce projet de loi, essuyant insultes et attaques verbales.


Malgré l’incroyable avancée que cela a été, il n’est pas rare que même encore aujourd’hui certaines femmes rencontrent des difficultés lors d’une procédure d’IVG (un mauvais accompagnement, une culpabilisation du personnel soignant etc…)

En 2014, Catherine Coutelle, député socialiste et présidente de la Délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes est à l’origine d’un mouvement visant à réaffirmer le droit à l’avortement auprès de l’Assemblée Nationale. Elle y arrive, la loi est bien réaffirmée le 26 novembre et permet de réengager le débat et pousse l’Espagne à se raviser alors qu’elle s’apprêtait à modifier cette loi pour la durcir et limiter le droit à l’avortement à certains cas. Mais il n’y a pas qu’en Espagne que cela aura un impact. En effet, le 17 décembre de la même année est voté au Luxembourg la loi en faveur de l’IVG et 4 ans plus tard c’est l'Irlande qui franchira ce cap.

Malheureusement si ces informations sont très encourageantes ce n’est pas un combat gagné d’avance. De 1956 à 1993 en Pologne l’avortement est légal et gratuit mais n’est maintenant plus autorisé que dans trois cas : viol, malformation du fœtus, danger pour la santé de la mère ou de l’enfant. Au Brésil, la loi s’est considérablement durci fin août. Une femme ne pouvait avorter qu’à la suite d’un viol, désormais elle devra raconter dans les moindres détails son calvaire aux autorités et si elle ne peut pas prouver ses accusations elle pourra faire l’objet de poursuites judiciaires.


Comme pour tout, nous pouvons nous rendre finalement compte qu’il y a du bon et du mauvais. La possibilité pour les femmes de disposer librement de leur corps n’est pas encore une évidence et n’est pas acquise partout. Il y a encore beaucoup de travail pour que toutes les femmes puissent avoir accès aux mêmes chances et à la liberté de décision sur leur personne. Alors, ayons une pensée pour toutes les personnes qui se sont battues pour ce que nous avons aujourd'hui, ce qui nous semble presque naturel mais qui ne l'était pas à l'époque, ce qui est le fruit d'une longue lutte. Pour toutes ces personnes, pour nous et pour celles à venir, poursuivons ce combat.



Extrait


(Pas de résumé cette fois-ci car il n'y a pas de récit et que rien ne sera aussi parlant qu'un extrait. Il s'agit du texte d'introduction de l'œuvre)


BAD LIEUTENANTES


J'écris de chez les moches, pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, les hystériques, les tarées, toutes les exclues du grand marché à la bonne meuf. Et je commence par là pour que les choses soient claires : je ne m'excuse de rien, je ne viens pas me plaindre. Je n'échangerais ma place contre aucune autre, parce qu'être Virginie Despentes me semble être une affaire plus intéressante à mener que n'importe quelle autre affaire.


Je trouve ça formidable qu'il y ait aussi des femmes qui aiment séduire, qui sachent séduire, d'autres se faire épouser, des qui sentent le sexe et d'autres le goûter des enfants qui sortent de l'école. Formidable qu'il y en ait de très douces, d'autres épanouies dans leur féminité, qu'il y en ait de jeunes, très belles, d'autres coquettes et rayonnantes. Franchement, je suis bien contente pour toutes celles à qui les choses telles qu'elles sont conviennent. C'est dit sans la moindre ironie. Il se trouve simplement que je ne fais pas partie de celles-là. Bien sûr que je n'écrirais pas ce que j'écris, si j'étais belle, belle à changer l'attitude de tous les hommes que je croise. C'est en tant que prolotte de la féminité que je parle, que j'ai parlé hier et que je recommence aujourd'hui. Quand j'étais au RMI, je ne ressentais aucune honte d'être exclue, juste de la colère. C'est la même en tant que femme : je ne ressens pas la moindre honte de ne pas être une super bonne meuf. En revanche, je suis verte de rage qu'en tant que fille qui intéresse peu les hommes, on cherche sans cesse à me faire savoir que je ne devrais même pas être là. On a toujours existé. Même s'il n'était pas question de nous dans les romans d'hommes, qui n'imaginent que des femmes avec qui ils voudraient coucher. On a toujours existé, on n'a jamais parlé. Même aujourd'hui que les femmes publient beaucoup de romans, on rencontre rarement de personnages féminins au physique ingrat ou médiocres, inaptes à aimer les hommes ou à s'en faire aimer. Au contraire, les héroïnes contemporaines aiment les hommes, les rencontrent facilement, couchent avec eux en deux chapitres, elles jouissent en quatre lignes et elles aiment toutes le sexe. La figure de la looseuse de la féminité m'est plus que sympathique, elle m'est essentielle. Exactement comme la figure du looser social, économique ou politique. Je préfère ceux qui n'y arrivent pas pour la bonne et simple raison que je n'y arrive pas très bien, moi-même. Et que dans l'ensemble l'humour et l'inventivité se situent plutôt de notre côté. Quand on n'a pas ce qu'il faut pour se la péter, on est souvent plus créatifs. Je suis plutôt King Kong que Kate Moss comme fille. Je suis ce genre de femme qu'on n'épouse pas, avec qui on ne fait pas d'enfant, je parle de ma place de femme toujours trop tout ce qu'elle est, trop agressive, trop bruyante, trop grosse, trop brutale, trop hirsute, toujours trop virile, me dit-on. Ce sont pourtant mes qualités viriles qui font de moi autre chose qu'un cas social parmi les autres. Tout ce que j'aime de ma vie, tout ce qui m'a sauvée, je le dois à ma virilité. C'est donc ici en tant que femme inapte à attirer l'attention masculine, à satisfaire le désir masculin, et à me satisfaire d'une place à l'ombre que j'écris. C'est d'ici que j'écris, en tant que femme non séduisante, mais ambitieuse, attirée par la ville plutôt que par l'intérieur, toujours excitée par les expériences et incapable de me satisfaire du récit qu'on m'en fera. Je m'en tape de mettre la gaule à des hommes qui ne me font pas rêver. Il ne m'est jamais paru flagrant que les filles séduisantes s'éclataient tant que ça. Je me suis toujours sentie moche, je m'en accommode d'autant mieux que ça m'a sauvée d'une vie de merde à me coltiner des mecs gentils qui ne m'auraient jamais emmenée plus loin que la ligne bleue des Vosges. Je suis contente de moi, comme ça, plus désirante que désirable. J'écris donc d'ici, de chez les invendues, les tordues, celles qui ont le crâne rasé, celles qui ne savent pas s'habiller, celles qui ont peur de puer, celles qui ne savent pas s'y prendre, celles à qui les hommes ne font pas de cadeau, celles qui baiseraient avec n’importe qui voulant bien d’elles, les grosses putes, les petites salopes, les femmes à chatte toujours sèche, celles qui ont de gros bides, celles qui voudraient être des hommes, celles qui se prennent pour des hommes, celles qui rêvent de faire hardeuses, celles qui n’en ont rien à foutre des mecs mais que leurs copines intéressent, celles qui ont un gros cul, celles qui ont les poils drus et bien noirs et qui ne vont pas se faire épiler, les femmes brutales, bruyantes, celles qui cassent tout sur leur passage, celles qui n’aiment pas les parfumeries, celles qui se mettent du rouge trop rouge, celles qui sont trop mal foutues pour pouvoir se saper comme des chaudasses mais qui en crèvent d’envie, celles qui veulent porter des fringues d’hommes et la barbe dans la rue, celles qui veulent tout montrer, celles qui sont pudiques par complexe, celles qui ne savent pas dire non, celles qu’on enferme pour les mater, celles qui font peur, celles qui font pitié, celles qui ne font pas envie, celles qui ont la peau flasque, des rides plein la face, celles qui rêvent de se faire lifter, liposucer, péter le nez pour le refaire mais qui n'ont pas d'argent, celles qui ne ressemblent plus à rien, celles qui ne comptent que sur elles-mêmes pour se protéger, celles qui ne savent pas être rassurantes, celles qui s'en foutent de leurs enfants, celles qui aiment boire jusqu'à se vautrer par terre dans les bars, celles qui ne savent pas se tenir ; aussi bien et dans la foulée que pour les hommes qui n'ont pas envie d'être protecteurs, ceux qui voudraient l'être mais ne savent pas s'y prendre, ceux qui ne savent pas se battre, ceux qui chialent volontiers, ceux qui ne sont pas ambitieux, ni compétitifs, ni bien membrés, ni agressifs, ceux qui sont craintifs, timides, vulnérables, ceux qui préféreraient s'occuper de la maison plutôt que d'aller travailler, ceux qui sont délicats, chauves, trop pauvres pour plaire, ceux qui ont envie de se faire mettre, ceux qui ne veulent pas qu'on compte sur eux, ceux qui ont peur tout seuls le soir.

Parce que l'idéal de la femme blanche, séduisante mais pas pute, bien mariée mais pas effacée, travaillant mais sans trop réussir, pour ne pas écraser son homme, mince mais pas névrosée par la nourriture, restant indéfiniment jeune sans se faire défigurer par les chirurgiens de l'esthétique, maman épanouie mais pas accaparée par les couches et les devoirs d'école, bonne maîtresse de maison mais pas bonniche traditionnelle, cultivée mais moins qu'un homme, cette femme blanche heureuse qu'on nous brandit tout le temps sous le nez, celle à laquelle on devrait faire l'effort de ressembler, à part qu'elle a l'air de beaucoup s'emmerder pour pas grand-chose, de toutes façons je ne l'ai jamais croisée, nulle part. Je crois bien qu'elle n'existe pas.”


Avis


Ce livre est assez particulier car il mélange à la fois le genre de l’essai et le genre autobiographique. En effet, Virginie Despentes vient aborder des sujets à travers son expérience, son ressenti et ses observations personnelles, mais aussi des sources diverses telles que des études, des chiffres,... par exemple. Habituellement je n’aime pas le genre de l’essai qui m’ennuie très vite et a très souvent tendance à me perdre avec tout un tas de théories et de formulations compliquées. Mais ici ça n’a pas été le cas. J’ai lu en deux trajets de train ce court ouvrage qui a su m'interpeller et me faire réfléchir.

Avec Virginie Despentes, pas de bla bla inutiles et de belles formulations vides de sens qui ne servent qu’à faire joli et vous embrouiller le cerveau. Son écriture est très intéressante et très riche (faites confiance aux étudiantes en lettres qui ont disséqué certaines passages !) même si vous ne vous en rendrez pas forcément compte à première vue mais mais elle est aussi brute, piquante et frappante. Virginie Despentes n’a pas sa langue dans sa poche !


La femme et le mythe de la femme parfaite, idéale, irréelle, dicté par la société


Tout d’abord, l’introduction est percutante. L’auteure vient déclarer une bonne fois pour toute ce que nous savons tous depuis bien longtemps : la femme parfaite n’existe pas. Par femme parfaite elle veut parler de cette image de la femme idéale que la société n’a eu de cesse de concevoir pièce par pièce pour finalement complexer les femmes parce qu’elle ne lui ressemble pas. Despentes vient dire STOP à l’image de cette femme que l’on continue de faire exister dans les esprits mais qui n’a jamais existé que là, dans notre imaginaire. Alors, à travers une longue énumération de types de femmes variées désignant le lectorat auquel elle s’adresse, et permettant en réalité une identification de la part de toute femme ayant se livre en sa possession, elle débute son ouvrage en créant d’une certaine manière, un groupe, une unification.


A l’image d’un combat de boxe, c’est coup après coup que l’auteure vient détruire les stéréotypes, les idées reçues, les idéalisations à propos de la femme, et bordel ça fait du bien ! Une femme n’a pas à être ceci ou cela, elle n’a pas à faire ceci ou cela ou bien encore à dire ceci mais pas cela… La femme n’a pas à se cantonner à l’image que la société a créé pour elle.

Libérons-nous de ces fichues chaînes qui nous sont imposées. Parce que non, elles ne sont pas apparues comme ça et elles ne perdurent pas de génération en génération toutes seules. Ces dernières années les choses semblent bouger et on en prend de plus en plus conscience : un des piliers de notre société qui participe à ce fléau c’est l’éducation. En effet, il n’est pas si rare encore d’entendre (surtout dans la bouche de nos parents ou grand-parents) des choses qui peuvent nous choquer. Non, une fille n’a pas à jouer à la poupée bien sagement et calmement dans son coin pendant qu’un garçon est jugé vif et énergique si il court partout en criant. C’est un exemple volontairement cliché, mais l’idée est là. Si nos grand-mères et les leurs encore avant ont accepté ce qui nous paraît aujourd’hui aberrant, le patriarcat dans sa globalité, ce n’est pas parce qu’elles étaient trop bêtes pour se rebeller ou parce que ça leur plaisait comme situation, mais parce qu’on leur a appris dès leur plus jeune âge que c’était normal, que c’était ça être une femme. La société a associé des objets, des couleurs ou bien encore des comportements et des rôles à chaque sexe ce qui est totalement stupide. En changeant ça dans l’éducation des plus jeunes il y a un espoir de changer profondément tout ce qui ne va toujours pas car on aurait bien tort de croire qu’on arrive au bout de nos peines.

Virginie Despentes va notamment critiquer qu’on associe systématiquement et irrémédiablement la femme au rôle d’épouse et de mère. C’est terrible. La femme n’a pas besoin d’un homme tout comme l’inverse est vrai ! L’envie d’être avec l’autre n’est pas un besoin tout comme la maternité n’est pas profondément ancrée dans l’ADN des femmes. Au risque de déplaire à certains, la maternité est un choix, une envie qui dépend de chaque individu et non de son sexe. Info : tout le monde n’aime pas les enfants ou ne désire pas en avoir et s’en porte très bien. Ca marche pour tout !


La culture du viol


Qu’est-ce-que c’est ? Si vous ne le savez pas, ce n’est pas grave mais on vous invite à aller lire cet article parce qu’il est intéressant dans un premier temps, et dans un second temps car il vous sera utile pour mieux comprendre la suite.


Dans la première partie de l’ouvrage Virginie Despentes raconte un moment marquant de son adolescence : son viol. C’est de ce point de départ que naît toute une réflexion sur la culture du viol. Il y a en effet tout d’abord le fait de mettre en garde les femmes contre ce risque et cette incitation à la prudence constamment répétée. Mais pourquoi on apprendrait pas plutôt aux hommes à ne pas le faire ? Pourquoi est-ce à la femme de faire attention à un acte dont elle sera la victime ? On a l’impression que si la femme ne fait pas attention, si elle n’y pense pas et qu’une partie d’elle ne vit pas dans la peur de ce qui pourrait arriver et que cela lui arrive alors elle est peut-être un peu coupable. Que l’on soit bien clair : c’est FAUX ! Pourtant, la culpabilisation de la femme est un point important de la culture du viol. Il y a principalement cette culpabilisation atroce que vivent les femmes qui ont subies un viol par la police mais aussi potentiellement l’entourage… Il s’agit de la remise en cause de leurs paroles ou en tout cas la mise en cause de sa responsabilité dans l’affaire : Où était-elle ? Était-elle seule ? Quelle heure était-il ? Comment était-elle habillée, maquillée ? A-t-elle dit “non” ? L’a-t-elle dit bien clairement ? S’est-elle débattue ? N’a-t-elle rien dit ou fait qui ait pu laisser porter à confusion ? C’est intolérable. Rien, absolument RIEN, ni mini-jupe, ni maquillage, ni regard, ni quoi que ce soit, ne peut justifier une agression sexuelle. Un “non” est un “non” peu importe le contexte. Et les conséquences de cette culpabilisation sont dans un premier temps que les femmes n’osent pas forcément en parler, mais aussi une honte tenace.

Virginie Despentes pointe d’ailleurs le fait que les femmes ayant vécu ce traumatisme évitent souvent de prononcer LE mot et passent par toute une panoplie de synonymes et périphrases. Et ce ne sont pas les seules en réalité. Les hommes coupables de viol formulent eux aussi de différentes manières ce qu’ils ont fait tout en se cherchant souvent des excuses pour se déculpabiliser. Eh oui, on entend jamais ces mecs en parler parce qu’on ne peut pas dire “J’ai violé unetelle/untel”. Dire ‘J’ai fait du vélo” est normal, acceptable, mais dire “J’ai violé quelqu’un” ça ne se dit pas. Et j’ai envie de dire une chose à ce propos : si ça ne se dit pas c’est parce que ça ne se fait pas !

Enfin, l’auteure vient parler de quelque chose qu’elle a personnellement ressenti : le reproche de s’en être sortie. Un viol est un acte traumatisant pour la victime et beaucoup en sorte détruites. Despentes a voulu se relever, ne pas être de celles-là. Elle a lu des femmes qui ont su l’inspirer. Elle n’a pas vécue dans la peur. Elle a recommencé à faire du stop (c’est dans ces conditions qu’elle a rencontré ses violeurs), elle a repris sa vie sexuelle en main… Et ça, on lui a fait sentir que c’était pas vraiment normal. En quoi réussir à se relever d’une épreuve aussi difficile devrait-être une honte ?


En 2017, en France, 250 000 victimes de viols ou de tentatives de viol ont été recensées. Il faut garder à l’esprit que beaucoup ne sont pas comptées dans ce chiffre car elles ne se sont pas manifestées. C’est juste énormissime. Ces femmes et ces hommes qui subissent ces agressions, que cela soit d’inconnus ou de proches ( car nous n’avons pas abordé ce sujet mais on a tendance à oublier que c’est souvent des connaissances voire des conjoint(e)s qui sont les agresseurs), ne méritent pas en plus de subir ce que la société leur inflige. On espère vraiment que les mentalités changeront et que dans un avenir que l’on espère pas si lointain, les victimes (car malheureusement il y en aura sûrement toujours) n’auront plus à être confrontées à cette culture du viol.


La pornographie, un tabou


Despentes traite de beaucoup de choses dans cette deuxième partie mais celle sur laquelle on va se concentrer c’est le traitement infligé à la femme qui tourne dans l’industrie de la pornographie. Comme le dit l’auteure, une femme qui fait du porno semble perdre le droit d’être considérée comme une femme respectable car elle elle n’a pas suivi le modèle qu’on impose à la femme depuis des siècles : celui de la bonne mère et de la bonne épouse. Cette femme qui joue un rôle, qui fait son travail, parce qu’il est jugé indigne d’une certaine manière, va perdre le droit d’être respecté en tant qu’être humain. Une fois le travail fini elle rentre chez elles, elles ont peut-être un.e conjoint.e et des enfants, elles font les mêmes choses que vous et moi. Seulement, nous, la société ne nous a pas étiqueté le mot “salope” sur le front à cause de notre travail, on ne nous regarde pas de travers, on entend pas de messes basses sur notre chemin… Voldemort est pas un gars très sympathique, ce n’est pas pour autant que Ralph Fiennes, l’acteur qui l’incarne au cinéma, est un assassin sournois et cruel. Pourquoi ne fait-on pas cette distinction également pour ces femmes ? C’est quoi le problème ? Selon Despentes, ce serait en partie le fait qu’elles participent à l’épanouissement du désir masculin ou parce que d’une certaine manière elles gagnent leur vie en l’exploitant tout en montrant l’existence du désir féminin qui a été passé sous silence pendant si longtemps et qu’il reste tabou.



La prostitution, de l’autre côté du trottoir


Puisque nous sommes dans le thème de la sexualité et du désir féminin en tant que tabou, restons-y avec le sujet de la prostitution. 3ème partie de son ouvrage, il est une fois encore mis en relation avec l’expérience de l’auteure. Au départ, j’ai eu un peu de mal avec cette partie mais l'argumentation de Virginie Despentes a su m’ouvrir à une autre vérité que celle que j’avais établie et celle que la société nous inculque. En effet, la prostitution c’est un acte qui est diabolisé. On nous montre souvent la prostitution sordide, celle qui est parfois forcée soit par des conditions de vie difficiles soit par une exploitation humaine. Bien que cela soit assez difficile à concevoir, Virginie Despentes explique que dans l’image collective la femme qui se prostitue est à plaindre, qu’elle le fait parce qu’elle y est contrainte… mais qu’en réalité ce n’est pas forcément toujours le cas. En effet, dans son cas par exemple, ce fut une manière de disposer de son corps librement, de se le réapproprier, de se reconstruire d’une certaine manière suite au viol qu’elle a vécu tout en se faisant de l’argent. Virginie Despentes délivre donc un témoignage qui vient élargir la vision très figée que l’on a de la prostitution afin d’apporter un nouveau point de vue.

Elle explique également que la société véhicule aussi une image dégradante concernant les hommes qui utilisent ce genre de services sexuels. Elle met en avant qu’une fois encore la société cherche à culpabiliser et à contrôler le désir de l’homme ainsi qu’à enfermer la femme et l’homme dans la cage du mariage, dans la cellule familiale parce que l’image de la jolie petite famille doit être un objectif auquel tout un chacun doit aspirer pour être bien vu. La prostitution met en danger cet idéal soit disant à atteindre.



Pour finir, on va aborder un dernier point dans cette chronique. Toutes ces choses révoltantes on les entretient plus ou moins et le pire c’est que comme si c’était pas assez difficile comme ça, on se tire dans les pattes. Certaines femmes s’attaquent à celles qui essayent de changer les choses par exemple. On se juge les uns les autres et on manque parfois de solidarité. C’est triste. Pas seulement entre femmes, non, parce que même si on en parle moins les hommes aussi subissent les diktats de masculinité et de la virilité. Ils souffrent également de cette image de la masculinité, de l’homme viril, de l’homme le “vrai”. On a envie de terminer cette chronique sur une citation de l’œuvre qui est profondément juste et qui nous tient à cœur parce qu’est un combat commun qui concerne tout le monde : “Le féminisme est une aventure collective, pour les femmes, pour les hommes, et pour les autres”




Si cette chronique vous a intéressée on vous invite bien évidemment à lire King Kong Théorie mais aussi à jeter un œil à ces chaînes Youtube.


  • Et tout le monde s’en fout : Il s’agit d’une web-série créée par Fabrice de Boni et Axel Lattuada en 2017 et publiée sur Youtube. Elle se compose de très courtes vidéos (~4-5 minutes) où un homme, un hacker vivant isolé, partage sur internet ses réflexions sur des sujets de société et de l’actualité intéressants, sérieux, qui nous touchent tous de manière documentée mais drôle afin de faire réagir.

En voici quelques unes en lien avec ce que nous avons abordé dans la chronique et qui pourraient vous intéresser :


  • Entre mecs : Une série de vidéos présentées par Benjamin Névert de la chaîne anciennement “ Vous êtes vraiment sympa ” devenu " Ben Névert" dont la première vidéo de la catégorie “Entre Mecs” est parue le 5 juillet 2019. Le concept : Benjamin, ses deux amis Toto et Omar reçoivent pour chaque vidéo un invité masculin avec lequel ils vont discuter d’un sujet entre 10 et 20 min. Le but de ces vidéos est tout simplement de laisser la parole aux hommes, les laisser s’exprimer sur des sujets sensibles parfois afin de déconstruire la masculinité bâtie par la société et qui pèse sur les hommes et affecte toute la société. Ces vidéos sont tantôt touchantes, tantôt drôles mais toujours passionnantes et intéressantes.


  • Les couilles sur la table : le premier podcast est publié le 1er décembre 2017. L’émission est présenté par Victoire Tuaillon qui invite à chaque nouvelle vidéo un.e chercheur.euse, un.e professeur.e, un.e auteur.e, un.e philosophe afin de parler, d’interroger la masculinité, la virilité ou les hommes de manière plus générale ainsi que les conséquences que cela peut avoir sur les individus d’une société.


  • Histoire de Mecs : La première vidéo du podcast est sortie le 27 février 2018 sous le nom à l’origine de The Boys Club (il y a eu un changement depuis peu), animé par Mymy (vice rédactrice en chef de Madmoizelle) et Fab (fondateur du magazine, rédacteur jusqu’en 2016 puis directeur). Il s’agit du podcast du magazine féminin (avec orientation féministe) Madmoizelle qui parle de masculinité. Là encore, à chaque vidéo l’invité de Mymy et Fab vient pour discuter et questionner avec eux son rapport à la masculinité, au monde, en tant qu’homme dans une société à forte tendance patriarcale.


Références utilisées en plus de l'œuvre :


Par Sinard Alisonne le 05/04/2017 dans un article pour le site internet France Culture. https://www.franceculture.fr/histoire/avant-la-loi-veil-le-coup-declat-des-343-salopes


Par Catherine Petillon le 26/11/2017 dans un article pour le site internet France Culture. https://www.franceculture.fr/societe/ivg-40-ans-apres-la-loi-veil-un-droit-encore-defendre


Par Esther, le 23/02/2012, pour les statistiques du nombre de viols en 2017 : https://www.madmoizelle.com/statistiques-viol-france-891007



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