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  • Photo du rĂ©dacteur: Kassandra & LĂ©a
    Kassandra & Léa
  • 27 sept. 2020

DerniĂšre mise Ă  jour : 28 sept. 2020

King Kong Théorie

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Informations pratiques


Auteur : Virginie Despentes

Année de publication : 2006

Maison d’édition : Grasset

Prix : 15.20€ (6.10€ dans la collection Livre de Poche)











Le 28 Septembre c’est la journĂ©e mondiale du droit Ă  l’avortement. A l’occasion de cette journĂ©e qui vient nous rappeler le combat menĂ© pour ce droit fondamental qui est celui de disposer de son corps on a eu envie de vous prĂ©senter cet ouvrage profondĂ©ment fĂ©ministe qui vient traiter d’autres sujets importants qui touche la femme (mais aussi l’homme !).




Avant ça, on vous fait un petit point sur l’Histoire de la lutte pour le droit à l’avortement.


L’Histoire de la lutte pour le droit Ă  l’avortement dĂ©bute lors de la parution d’un manifeste le 5 avril 1971 dans le journal “ Le nouvel Observateur ” . Le Manifeste des 343, une pĂ©tition dans laquelle 343 femmes connues et inconnues attestent s’ĂȘtre faites avorter et s’exposent ainsi Ă  des poursuites judiciaires puisqu’il s’agissait d’un acte considĂ©rĂ© comme criminel en France Ă  cette Ă©poque. Le but de ce coup d’éclat mĂ©diatique Ă©tait de dĂ©noncer l’hypocrisie qui rĂ©gnait en France puisque de nombreuses femmes devaient se rendre Ă  l’étranger pour pouvoir se faire avorter ou faire rĂ©aliser cela par des “ faiseuses d’anges ” dans la plus grande illĂ©galitĂ© et le plus grand danger. Ces pratiques se savaient mais tout le monde cherchait Ă  se cacher ou fermait les yeux puisque cela Ă©tait considĂ©rĂ© comme un crime. RebaptisĂ© “ Les 343 salopes ” par le cĂ©lĂšbre dessinateur Cabu en Une de Charlie Hebdo le 12 avril 1971, cette caricature choc sera fiĂšrement revendiquĂ© par un grand nombre des femmes signataires.

L’annĂ©e d’aprĂšs, le cĂ©lĂšbre procĂšs de Bobigny va faire trembler la France en ramenant sur le devant de la scĂšne le problĂšme de cette loi contre l’avortement. Les faits si vous ne les connaissaient pas : une adolescente de 16 ans, Marie-Claire Chevalier, se retrouve sur le banc des accusĂ©s avec sa mĂšre et deux femmes suspectĂ©es d’avoir apportĂ© leur aide lors de l’opĂ©ration clandestine d’avortement sur la jeune femme Ă  la suite d’un viol perpĂ©trĂ© par un camarade de classe. L’avocate vous la connaissez peut-ĂȘtre (si ce n’est pas le cas on vous invite Ă  aller vous renseigner un peu sur elle, sa vie mais surtout ses combats), il s’agit de la trĂšs cĂ©lĂšbre avocate et militante fĂ©ministe GisĂšle Halimi. Lors de ce procĂšs la jeune adolescente se voit soutenue et dĂ©fendue par le mouvement fĂ©ministe “ choisir ” créé 10 ans plus tĂŽt dans le but de dĂ©pĂ©naliser l’avortement. Finalement Marie-Claire Chevalier est mise hors de cause et sa mĂšre, elle, est condamnĂ©e Ă  un amende de 500 francs avec sursis. A la suite du manifeste et du procĂšs, un nouveau manifeste est publiĂ© en 73 celui des 331 mĂ©decins qui s’engagent dans le combat en avouant avoir pratiquĂ© des opĂ©rations d’avortement alors que cet acte Ă©tait bel et bien encore interdit.

Finalement, c’est le 17 janvier 1975 que Simone Veil obtient gain de cause Ă  la tribune de l’AssemblĂ©e Nationale aprĂšs de longues heures Ă  dĂ©fendre ce projet de loi, essuyant insultes et attaques verbales.


MalgrĂ© l’incroyable avancĂ©e que cela a Ă©tĂ©, il n’est pas rare que mĂȘme encore aujourd’hui certaines femmes rencontrent des difficultĂ©s lors d’une procĂ©dure d’IVG (un mauvais accompagnement, une culpabilisation du personnel soignant etc
)

En 2014, Catherine Coutelle, dĂ©putĂ© socialiste et prĂ©sidente de la DĂ©lĂ©gation de l’AssemblĂ©e nationale aux droits des femmes est Ă  l’origine d’un mouvement visant Ă  rĂ©affirmer le droit Ă  l’avortement auprĂšs de l’AssemblĂ©e Nationale. Elle y arrive, la loi est bien rĂ©affirmĂ©e le 26 novembre et permet de rĂ©engager le dĂ©bat et pousse l’Espagne Ă  se raviser alors qu’elle s’apprĂȘtait Ă  modifier cette loi pour la durcir et limiter le droit Ă  l’avortement Ă  certains cas. Mais il n’y a pas qu’en Espagne que cela aura un impact. En effet, le 17 dĂ©cembre de la mĂȘme annĂ©e est votĂ© au Luxembourg la loi en faveur de l’IVG et 4 ans plus tard c’est l'Irlande qui franchira ce cap.

Malheureusement si ces informations sont trĂšs encourageantes ce n’est pas un combat gagnĂ© d’avance. De 1956 Ă  1993 en Pologne l’avortement est lĂ©gal et gratuit mais n’est maintenant plus autorisĂ© que dans trois cas : viol, malformation du fƓtus, danger pour la santĂ© de la mĂšre ou de l’enfant. Au BrĂ©sil, la loi s’est considĂ©rablement durci fin aoĂ»t. Une femme ne pouvait avorter qu’à la suite d’un viol, dĂ©sormais elle devra raconter dans les moindres dĂ©tails son calvaire aux autoritĂ©s et si elle ne peut pas prouver ses accusations elle pourra faire l’objet de poursuites judiciaires.


Comme pour tout, nous pouvons nous rendre finalement compte qu’il y a du bon et du mauvais. La possibilitĂ© pour les femmes de disposer librement de leur corps n’est pas encore une Ă©vidence et n’est pas acquise partout. Il y a encore beaucoup de travail pour que toutes les femmes puissent avoir accĂšs aux mĂȘmes chances et Ă  la libertĂ© de dĂ©cision sur leur personne. Alors, ayons une pensĂ©e pour toutes les personnes qui se sont battues pour ce que nous avons aujourd'hui, ce qui nous semble presque naturel mais qui ne l'Ă©tait pas Ă  l'Ă©poque, ce qui est le fruit d'une longue lutte. Pour toutes ces personnes, pour nous et pour celles Ă  venir, poursuivons ce combat.



Extrait


(Pas de rĂ©sumĂ© cette fois-ci car il n'y a pas de rĂ©cit et que rien ne sera aussi parlant qu'un extrait. Il s'agit du texte d'introduction de l'Ɠuvre)


“

BAD LIEUTENANTES


J'Ă©cris de chez les moches, pour les moches, les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisĂ©es, les imbaisables, les hystĂ©riques, les tarĂ©es, toutes les exclues du grand marchĂ© Ă  la bonne meuf. Et je commence par lĂ  pour que les choses soient claires : je ne m'excuse de rien, je ne viens pas me plaindre. Je n'Ă©changerais ma place contre aucune autre, parce qu'ĂȘtre Virginie Despentes me semble ĂȘtre une affaire plus intĂ©ressante Ă  mener que n'importe quelle autre affaire.


Je trouve ça formidable qu'il y ait aussi des femmes qui aiment sĂ©duire, qui sachent sĂ©duire, d'autres se faire Ă©pouser, des qui sentent le sexe et d'autres le goĂ»ter des enfants qui sortent de l'Ă©cole. Formidable qu'il y en ait de trĂšs douces, d'autres Ă©panouies dans leur fĂ©minitĂ©, qu'il y en ait de jeunes, trĂšs belles, d'autres coquettes et rayonnantes. Franchement, je suis bien contente pour toutes celles Ă  qui les choses telles qu'elles sont conviennent. C'est dit sans la moindre ironie. Il se trouve simplement que je ne fais pas partie de celles-lĂ . Bien sĂ»r que je n'Ă©crirais pas ce que j'Ă©cris, si j'Ă©tais belle, belle Ă  changer l'attitude de tous les hommes que je croise. C'est en tant que prolotte de la fĂ©minitĂ© que je parle, que j'ai parlĂ© hier et que je recommence aujourd'hui. Quand j'Ă©tais au RMI, je ne ressentais aucune honte d'ĂȘtre exclue, juste de la colĂšre. C'est la mĂȘme en tant que femme : je ne ressens pas la moindre honte de ne pas ĂȘtre une super bonne meuf. En revanche, je suis verte de rage qu'en tant que fille qui intĂ©resse peu les hommes, on cherche sans cesse Ă  me faire savoir que je ne devrais mĂȘme pas ĂȘtre lĂ . On a toujours existĂ©. MĂȘme s'il n'Ă©tait pas question de nous dans les romans d'hommes, qui n'imaginent que des femmes avec qui ils voudraient coucher. On a toujours existĂ©, on n'a jamais parlĂ©. MĂȘme aujourd'hui que les femmes publient beaucoup de romans, on rencontre rarement de personnages fĂ©minins au physique ingrat ou mĂ©diocres, inaptes Ă  aimer les hommes ou Ă  s'en faire aimer. Au contraire, les hĂ©roĂŻnes contemporaines aiment les hommes, les rencontrent facilement, couchent avec eux en deux chapitres, elles jouissent en quatre lignes et elles aiment toutes le sexe. La figure de la looseuse de la fĂ©minitĂ© m'est plus que sympathique, elle m'est essentielle. Exactement comme la figure du looser social, Ă©conomique ou politique. Je prĂ©fĂšre ceux qui n'y arrivent pas pour la bonne et simple raison que je n'y arrive pas trĂšs bien, moi-mĂȘme. Et que dans l'ensemble l'humour et l'inventivitĂ© se situent plutĂŽt de notre cĂŽtĂ©. Quand on n'a pas ce qu'il faut pour se la pĂ©ter, on est souvent plus crĂ©atifs. Je suis plutĂŽt King Kong que Kate Moss comme fille. Je suis ce genre de femme qu'on n'Ă©pouse pas, avec qui on ne fait pas d'enfant, je parle de ma place de femme toujours trop tout ce qu'elle est, trop agressive, trop bruyante, trop grosse, trop brutale, trop hirsute, toujours trop virile, me dit-on. Ce sont pourtant mes qualitĂ©s viriles qui font de moi autre chose qu'un cas social parmi les autres. Tout ce que j'aime de ma vie, tout ce qui m'a sauvĂ©e, je le dois Ă  ma virilitĂ©. C'est donc ici en tant que femme inapte Ă  attirer l'attention masculine, Ă  satisfaire le dĂ©sir masculin, et Ă  me satisfaire d'une place Ă  l'ombre que j'Ă©cris. C'est d'ici que j'Ă©cris, en tant que femme non sĂ©duisante, mais ambitieuse, attirĂ©e par la ville plutĂŽt que par l'intĂ©rieur, toujours excitĂ©e par les expĂ©riences et incapable de me satisfaire du rĂ©cit qu'on m'en fera. Je m'en tape de mettre la gaule Ă  des hommes qui ne me font pas rĂȘver. Il ne m'est jamais paru flagrant que les filles sĂ©duisantes s'Ă©clataient tant que ça. Je me suis toujours sentie moche, je m'en accommode d'autant mieux que ça m'a sauvĂ©e d'une vie de merde Ă  me coltiner des mecs gentils qui ne m'auraient jamais emmenĂ©e plus loin que la ligne bleue des Vosges. Je suis contente de moi, comme ça, plus dĂ©sirante que dĂ©sirable. J'Ă©cris donc d'ici, de chez les invendues, les tordues, celles qui ont le crĂąne rasĂ©, celles qui ne savent pas s'habiller, celles qui ont peur de puer, celles qui ne savent pas s'y prendre, celles Ă  qui les hommes ne font pas de cadeau, celles qui baiseraient avec n’importe qui voulant bien d’elles, les grosses putes, les petites salopes, les femmes Ă  chatte toujours sĂšche, celles qui ont de gros bides, celles qui voudraient ĂȘtre des hommes, celles qui se prennent pour des hommes, celles qui rĂȘvent de faire hardeuses, celles qui n’en ont rien Ă  foutre des mecs mais que leurs copines intĂ©ressent, celles qui ont un gros cul, celles qui ont les poils drus et bien noirs et qui ne vont pas se faire Ă©piler, les femmes brutales, bruyantes, celles qui cassent tout sur leur passage, celles qui n’aiment pas les parfumeries, celles qui se mettent du rouge trop rouge, celles qui sont trop mal foutues pour pouvoir se saper comme des chaudasses mais qui en crĂšvent d’envie, celles qui veulent porter des fringues d’hommes et la barbe dans la rue, celles qui veulent tout montrer, celles qui sont pudiques par complexe, celles qui ne savent pas dire non, celles qu’on enferme pour les mater, celles qui font peur, celles qui font pitiĂ©, celles qui ne font pas envie, celles qui ont la peau flasque, des rides plein la face, celles qui rĂȘvent de se faire lifter, liposucer, pĂ©ter le nez pour le refaire mais qui n'ont pas d'argent, celles qui ne ressemblent plus Ă  rien, celles qui ne comptent que sur elles-mĂȘmes pour se protĂ©ger, celles qui ne savent pas ĂȘtre rassurantes, celles qui s'en foutent de leurs enfants, celles qui aiment boire jusqu'Ă  se vautrer par terre dans les bars, celles qui ne savent pas se tenir ; aussi bien et dans la foulĂ©e que pour les hommes qui n'ont pas envie d'ĂȘtre protecteurs, ceux qui voudraient l'ĂȘtre mais ne savent pas s'y prendre, ceux qui ne savent pas se battre, ceux qui chialent volontiers, ceux qui ne sont pas ambitieux, ni compĂ©titifs, ni bien membrĂ©s, ni agressifs, ceux qui sont craintifs, timides, vulnĂ©rables, ceux qui prĂ©fĂ©reraient s'occuper de la maison plutĂŽt que d'aller travailler, ceux qui sont dĂ©licats, chauves, trop pauvres pour plaire, ceux qui ont envie de se faire mettre, ceux qui ne veulent pas qu'on compte sur eux, ceux qui ont peur tout seuls le soir.

Parce que l'idĂ©al de la femme blanche, sĂ©duisante mais pas pute, bien mariĂ©e mais pas effacĂ©e, travaillant mais sans trop rĂ©ussir, pour ne pas Ă©craser son homme, mince mais pas nĂ©vrosĂ©e par la nourriture, restant indĂ©finiment jeune sans se faire dĂ©figurer par les chirurgiens de l'esthĂ©tique, maman Ă©panouie mais pas accaparĂ©e par les couches et les devoirs d'Ă©cole, bonne maĂźtresse de maison mais pas bonniche traditionnelle, cultivĂ©e mais moins qu'un homme, cette femme blanche heureuse qu'on nous brandit tout le temps sous le nez, celle Ă  laquelle on devrait faire l'effort de ressembler, Ă  part qu'elle a l'air de beaucoup s'emmerder pour pas grand-chose, de toutes façons je ne l'ai jamais croisĂ©e, nulle part. Je crois bien qu'elle n'existe pas.”


Avis


Ce livre est assez particulier car il mĂ©lange Ă  la fois le genre de l’essai et le genre autobiographique. En effet, Virginie Despentes vient aborder des sujets Ă  travers son expĂ©rience, son ressenti et ses observations personnelles, mais aussi des sources diverses telles que des Ă©tudes, des chiffres,... par exemple. Habituellement je n’aime pas le genre de l’essai qui m’ennuie trĂšs vite et a trĂšs souvent tendance Ă  me perdre avec tout un tas de thĂ©ories et de formulations compliquĂ©es. Mais ici ça n’a pas Ă©tĂ© le cas. J’ai lu en deux trajets de train ce court ouvrage qui a su m'interpeller et me faire rĂ©flĂ©chir.

Avec Virginie Despentes, pas de bla bla inutiles et de belles formulations vides de sens qui ne servent qu’à faire joli et vous embrouiller le cerveau. Son Ă©criture est trĂšs intĂ©ressante et trĂšs riche (faites confiance aux Ă©tudiantes en lettres qui ont dissĂ©quĂ© certaines passages !) mĂȘme si vous ne vous en rendrez pas forcĂ©ment compte Ă  premiĂšre vue mais mais elle est aussi brute, piquante et frappante. Virginie Despentes n’a pas sa langue dans sa poche !


La femme et le mythe de la femme parfaite, idéale, irréelle, dicté par la société


Tout d’abord, l’introduction est percutante. L’auteure vient dĂ©clarer une bonne fois pour toute ce que nous savons tous depuis bien longtemps : la femme parfaite n’existe pas. Par femme parfaite elle veut parler de cette image de la femme idĂ©ale que la sociĂ©tĂ© n’a eu de cesse de concevoir piĂšce par piĂšce pour finalement complexer les femmes parce qu’elle ne lui ressemble pas. Despentes vient dire STOP Ă  l’image de cette femme que l’on continue de faire exister dans les esprits mais qui n’a jamais existĂ© que lĂ , dans notre imaginaire. Alors, Ă  travers une longue Ă©numĂ©ration de types de femmes variĂ©es dĂ©signant le lectorat auquel elle s’adresse, et permettant en rĂ©alitĂ© une identification de la part de toute femme ayant se livre en sa possession, elle dĂ©bute son ouvrage en crĂ©ant d’une certaine maniĂšre, un groupe, une unification.


A l’image d’un combat de boxe, c’est coup aprĂšs coup que l’auteure vient dĂ©truire les stĂ©rĂ©otypes, les idĂ©es reçues, les idĂ©alisations Ă  propos de la femme, et bordel ça fait du bien ! Une femme n’a pas Ă  ĂȘtre ceci ou cela, elle n’a pas Ă  faire ceci ou cela ou bien encore Ă  dire ceci mais pas cela
 La femme n’a pas Ă  se cantonner Ă  l’image que la sociĂ©tĂ© a créé pour elle.

LibĂ©rons-nous de ces fichues chaĂźnes qui nous sont imposĂ©es. Parce que non, elles ne sont pas apparues comme ça et elles ne perdurent pas de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration toutes seules. Ces derniĂšres annĂ©es les choses semblent bouger et on en prend de plus en plus conscience : un des piliers de notre sociĂ©tĂ© qui participe Ă  ce flĂ©au c’est l’éducation. En effet, il n’est pas si rare encore d’entendre (surtout dans la bouche de nos parents ou grand-parents) des choses qui peuvent nous choquer. Non, une fille n’a pas Ă  jouer Ă  la poupĂ©e bien sagement et calmement dans son coin pendant qu’un garçon est jugĂ© vif et Ă©nergique si il court partout en criant. C’est un exemple volontairement clichĂ©, mais l’idĂ©e est lĂ . Si nos grand-mĂšres et les leurs encore avant ont acceptĂ© ce qui nous paraĂźt aujourd’hui aberrant, le patriarcat dans sa globalitĂ©, ce n’est pas parce qu’elles Ă©taient trop bĂȘtes pour se rebeller ou parce que ça leur plaisait comme situation, mais parce qu’on leur a appris dĂšs leur plus jeune Ăąge que c’était normal, que c’était ça ĂȘtre une femme. La sociĂ©tĂ© a associĂ© des objets, des couleurs ou bien encore des comportements et des rĂŽles Ă  chaque sexe ce qui est totalement stupide. En changeant ça dans l’éducation des plus jeunes il y a un espoir de changer profondĂ©ment tout ce qui ne va toujours pas car on aurait bien tort de croire qu’on arrive au bout de nos peines.

Virginie Despentes va notamment critiquer qu’on associe systĂ©matiquement et irrĂ©mĂ©diablement la femme au rĂŽle d’épouse et de mĂšre. C’est terrible. La femme n’a pas besoin d’un homme tout comme l’inverse est vrai ! L’envie d’ĂȘtre avec l’autre n’est pas un besoin tout comme la maternitĂ© n’est pas profondĂ©ment ancrĂ©e dans l’ADN des femmes. Au risque de dĂ©plaire Ă  certains, la maternitĂ© est un choix, une envie qui dĂ©pend de chaque individu et non de son sexe. Info : tout le monde n’aime pas les enfants ou ne dĂ©sire pas en avoir et s’en porte trĂšs bien. Ca marche pour tout !


La culture du viol


Qu’est-ce-que c’est ? Si vous ne le savez pas, ce n’est pas grave mais on vous invite Ă  aller lire cet article parce qu’il est intĂ©ressant dans un premier temps, et dans un second temps car il vous sera utile pour mieux comprendre la suite.


Dans la premiĂšre partie de l’ouvrage Virginie Despentes raconte un moment marquant de son adolescence : son viol. C’est de ce point de dĂ©part que naĂźt toute une rĂ©flexion sur la culture du viol. Il y a en effet tout d’abord le fait de mettre en garde les femmes contre ce risque et cette incitation Ă  la prudence constamment rĂ©pĂ©tĂ©e. Mais pourquoi on apprendrait pas plutĂŽt aux hommes Ă  ne pas le faire ? Pourquoi est-ce Ă  la femme de faire attention Ă  un acte dont elle sera la victime ? On a l’impression que si la femme ne fait pas attention, si elle n’y pense pas et qu’une partie d’elle ne vit pas dans la peur de ce qui pourrait arriver et que cela lui arrive alors elle est peut-ĂȘtre un peu coupable. Que l’on soit bien clair : c’est FAUX ! Pourtant, la culpabilisation de la femme est un point important de la culture du viol. Il y a principalement cette culpabilisation atroce que vivent les femmes qui ont subies un viol par la police mais aussi potentiellement l’entourage
 Il s’agit de la remise en cause de leurs paroles ou en tout cas la mise en cause de sa responsabilitĂ© dans l’affaire : OĂč Ă©tait-elle ? Était-elle seule ? Quelle heure Ă©tait-il ? Comment Ă©tait-elle habillĂ©e, maquillĂ©e ? A-t-elle dit “non” ? L’a-t-elle dit bien clairement ? S’est-elle dĂ©battue ? N’a-t-elle rien dit ou fait qui ait pu laisser porter Ă  confusion ? C’est intolĂ©rable. Rien, absolument RIEN, ni mini-jupe, ni maquillage, ni regard, ni quoi que ce soit, ne peut justifier une agression sexuelle. Un “non” est un “non” peu importe le contexte. Et les consĂ©quences de cette culpabilisation sont dans un premier temps que les femmes n’osent pas forcĂ©ment en parler, mais aussi une honte tenace.

Virginie Despentes pointe d’ailleurs le fait que les femmes ayant vĂ©cu ce traumatisme Ă©vitent souvent de prononcer LE mot et passent par toute une panoplie de synonymes et pĂ©riphrases. Et ce ne sont pas les seules en rĂ©alitĂ©. Les hommes coupables de viol formulent eux aussi de diffĂ©rentes maniĂšres ce qu’ils ont fait tout en se cherchant souvent des excuses pour se dĂ©culpabiliser. Eh oui, on entend jamais ces mecs en parler parce qu’on ne peut pas dire “J’ai violĂ© unetelle/untel”. Dire ‘J’ai fait du vĂ©lo” est normal, acceptable, mais dire “J’ai violĂ© quelqu’un” ça ne se dit pas. Et j’ai envie de dire une chose Ă  ce propos : si ça ne se dit pas c’est parce que ça ne se fait pas !

Enfin, l’auteure vient parler de quelque chose qu’elle a personnellement ressenti : le reproche de s’en ĂȘtre sortie. Un viol est un acte traumatisant pour la victime et beaucoup en sorte dĂ©truites. Despentes a voulu se relever, ne pas ĂȘtre de celles-lĂ . Elle a lu des femmes qui ont su l’inspirer. Elle n’a pas vĂ©cue dans la peur. Elle a recommencĂ© Ă  faire du stop (c’est dans ces conditions qu’elle a rencontrĂ© ses violeurs), elle a repris sa vie sexuelle en main
 Et ça, on lui a fait sentir que c’était pas vraiment normal. En quoi rĂ©ussir Ă  se relever d’une Ă©preuve aussi difficile devrait-ĂȘtre une honte ?


En 2017, en France, 250 000 victimes de viols ou de tentatives de viol ont Ă©tĂ© recensĂ©es. Il faut garder Ă  l’esprit que beaucoup ne sont pas comptĂ©es dans ce chiffre car elles ne se sont pas manifestĂ©es. C’est juste Ă©normissime. Ces femmes et ces hommes qui subissent ces agressions, que cela soit d’inconnus ou de proches ( car nous n’avons pas abordĂ© ce sujet mais on a tendance Ă  oublier que c’est souvent des connaissances voire des conjoint(e)s qui sont les agresseurs), ne mĂ©ritent pas en plus de subir ce que la sociĂ©tĂ© leur inflige. On espĂšre vraiment que les mentalitĂ©s changeront et que dans un avenir que l’on espĂšre pas si lointain, les victimes (car malheureusement il y en aura sĂ»rement toujours) n’auront plus Ă  ĂȘtre confrontĂ©es Ă  cette culture du viol.


La pornographie, un tabou


Despentes traite de beaucoup de choses dans cette deuxiĂšme partie mais celle sur laquelle on va se concentrer c’est le traitement infligĂ© Ă  la femme qui tourne dans l’industrie de la pornographie. Comme le dit l’auteure, une femme qui fait du porno semble perdre le droit d’ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une femme respectable car elle elle n’a pas suivi le modĂšle qu’on impose Ă  la femme depuis des siĂšcles : celui de la bonne mĂšre et de la bonne Ă©pouse. Cette femme qui joue un rĂŽle, qui fait son travail, parce qu’il est jugĂ© indigne d’une certaine maniĂšre, va perdre le droit d’ĂȘtre respectĂ© en tant qu’ĂȘtre humain. Une fois le travail fini elle rentre chez elles, elles ont peut-ĂȘtre un.e conjoint.e et des enfants, elles font les mĂȘmes choses que vous et moi. Seulement, nous, la sociĂ©tĂ© ne nous a pas Ă©tiquetĂ© le mot “salope” sur le front Ă  cause de notre travail, on ne nous regarde pas de travers, on entend pas de messes basses sur notre chemin
 Voldemort est pas un gars trĂšs sympathique, ce n’est pas pour autant que Ralph Fiennes, l’acteur qui l’incarne au cinĂ©ma, est un assassin sournois et cruel. Pourquoi ne fait-on pas cette distinction Ă©galement pour ces femmes ? C’est quoi le problĂšme ? Selon Despentes, ce serait en partie le fait qu’elles participent Ă  l’épanouissement du dĂ©sir masculin ou parce que d’une certaine maniĂšre elles gagnent leur vie en l’exploitant tout en montrant l’existence du dĂ©sir fĂ©minin qui a Ă©tĂ© passĂ© sous silence pendant si longtemps et qu’il reste tabou.



La prostitution, de l’autre cĂŽtĂ© du trottoir


Puisque nous sommes dans le thĂšme de la sexualitĂ© et du dĂ©sir fĂ©minin en tant que tabou, restons-y avec le sujet de la prostitution. 3Ăšme partie de son ouvrage, il est une fois encore mis en relation avec l’expĂ©rience de l’auteure. Au dĂ©part, j’ai eu un peu de mal avec cette partie mais l'argumentation de Virginie Despentes a su m’ouvrir Ă  une autre vĂ©ritĂ© que celle que j’avais Ă©tablie et celle que la sociĂ©tĂ© nous inculque. En effet, la prostitution c’est un acte qui est diabolisĂ©. On nous montre souvent la prostitution sordide, celle qui est parfois forcĂ©e soit par des conditions de vie difficiles soit par une exploitation humaine. Bien que cela soit assez difficile Ă  concevoir, Virginie Despentes explique que dans l’image collective la femme qui se prostitue est Ă  plaindre, qu’elle le fait parce qu’elle y est contrainte
 mais qu’en rĂ©alitĂ© ce n’est pas forcĂ©ment toujours le cas. En effet, dans son cas par exemple, ce fut une maniĂšre de disposer de son corps librement, de se le rĂ©approprier, de se reconstruire d’une certaine maniĂšre suite au viol qu’elle a vĂ©cu tout en se faisant de l’argent. Virginie Despentes dĂ©livre donc un tĂ©moignage qui vient Ă©largir la vision trĂšs figĂ©e que l’on a de la prostitution afin d’apporter un nouveau point de vue.

Elle explique Ă©galement que la sociĂ©tĂ© vĂ©hicule aussi une image dĂ©gradante concernant les hommes qui utilisent ce genre de services sexuels. Elle met en avant qu’une fois encore la sociĂ©tĂ© cherche Ă  culpabiliser et Ă  contrĂŽler le dĂ©sir de l’homme ainsi qu’à enfermer la femme et l’homme dans la cage du mariage, dans la cellule familiale parce que l’image de la jolie petite famille doit ĂȘtre un objectif auquel tout un chacun doit aspirer pour ĂȘtre bien vu. La prostitution met en danger cet idĂ©al soit disant Ă  atteindre.



Pour finir, on va aborder un dernier point dans cette chronique. Toutes ces choses rĂ©voltantes on les entretient plus ou moins et le pire c’est que comme si c’était pas assez difficile comme ça, on se tire dans les pattes. Certaines femmes s’attaquent Ă  celles qui essayent de changer les choses par exemple. On se juge les uns les autres et on manque parfois de solidaritĂ©. C’est triste. Pas seulement entre femmes, non, parce que mĂȘme si on en parle moins les hommes aussi subissent les diktats de masculinitĂ© et de la virilitĂ©. Ils souffrent Ă©galement de cette image de la masculinitĂ©, de l’homme viril, de l’homme le “vrai”. On a envie de terminer cette chronique sur une citation de l’Ɠuvre qui est profondĂ©ment juste et qui nous tient Ă  cƓur parce qu’est un combat commun qui concerne tout le monde : “Le fĂ©minisme est une aventure collective, pour les femmes, pour les hommes, et pour les autres”




Si cette chronique vous a intĂ©ressĂ©e on vous invite bien Ă©videmment Ă  lire King Kong ThĂ©orie mais aussi Ă  jeter un Ɠil Ă  ces chaĂźnes Youtube.


  • Et tout le monde s’en fout : Il s’agit d’une web-sĂ©rie créée par Fabrice de Boni et Axel Lattuada en 2017 et publiĂ©e sur Youtube. Elle se compose de trĂšs courtes vidĂ©os (~4-5 minutes) oĂč un homme, un hacker vivant isolĂ©, partage sur internet ses rĂ©flexions sur des sujets de sociĂ©tĂ© et de l’actualitĂ© intĂ©ressants, sĂ©rieux, qui nous touchent tous de maniĂšre documentĂ©e mais drĂŽle afin de faire rĂ©agir.

En voici quelques unes en lien avec ce que nous avons abordé dans la chronique et qui pourraient vous intéresser :


  • Entre mecs : Une sĂ©rie de vidĂ©os prĂ©sentĂ©es par Benjamin NĂ©vert de la chaĂźne anciennement “ Vous ĂȘtes vraiment sympa ” devenu " Ben NĂ©vert" dont la premiĂšre vidĂ©o de la catĂ©gorie “Entre Mecs” est parue le 5 juillet 2019. Le concept : Benjamin, ses deux amis Toto et Omar reçoivent pour chaque vidĂ©o un invitĂ© masculin avec lequel ils vont discuter d’un sujet entre 10 et 20 min. Le but de ces vidĂ©os est tout simplement de laisser la parole aux hommes, les laisser s’exprimer sur des sujets sensibles parfois afin de dĂ©construire la masculinitĂ© bĂątie par la sociĂ©tĂ© et qui pĂšse sur les hommes et affecte toute la sociĂ©tĂ©. Ces vidĂ©os sont tantĂŽt touchantes, tantĂŽt drĂŽles mais toujours passionnantes et intĂ©ressantes.


  • Les couilles sur la table : le premier podcast est publiĂ© le 1er dĂ©cembre 2017. L’émission est prĂ©sentĂ© par Victoire Tuaillon qui invite Ă  chaque nouvelle vidĂ©o un.e chercheur.euse, un.e professeur.e, un.e auteur.e, un.e philosophe afin de parler, d’interroger la masculinitĂ©, la virilitĂ© ou les hommes de maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale ainsi que les consĂ©quences que cela peut avoir sur les individus d’une sociĂ©tĂ©.


  • Histoire de Mecs : La premiĂšre vidĂ©o du podcast est sortie le 27 fĂ©vrier 2018 sous le nom Ă  l’origine de The Boys Club (il y a eu un changement depuis peu), animĂ© par Mymy (vice rĂ©dactrice en chef de Madmoizelle) et Fab (fondateur du magazine, rĂ©dacteur jusqu’en 2016 puis directeur). Il s’agit du podcast du magazine fĂ©minin (avec orientation fĂ©ministe) Madmoizelle qui parle de masculinitĂ©. LĂ  encore, Ă  chaque vidĂ©o l’invitĂ© de Mymy et Fab vient pour discuter et questionner avec eux son rapport Ă  la masculinitĂ©, au monde, en tant qu’homme dans une sociĂ©tĂ© Ă  forte tendance patriarcale.


RĂ©fĂ©rences utilisĂ©es en plus de l'Ɠuvre :


Par Sinard Alisonne le 05/04/2017 dans un article pour le site internet France Culture. https://www.franceculture.fr/histoire/avant-la-loi-veil-le-coup-declat-des-343-salopes


Par Catherine Petillon le 26/11/2017 dans un article pour le site internet France Culture. https://www.franceculture.fr/societe/ivg-40-ans-apres-la-loi-veil-un-droit-encore-defendre


Par Esther, le 23/02/2012, pour les statistiques du nombre de viols en 2017 : https://www.madmoizelle.com/statistiques-viol-france-891007



 
 
 
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